

Expo « Portraits de Chefs Camisards » d’Éric Dürr
samedi 20 septembre • 10 h 01 à dimanche 21 septembre • 17 h 00
Journées du Patrimoine : Expo « Portraits des Chefs Camisards » d’Éric Dürr
La révocation de l’Édit de Nantes, en 1685, met fi n à la tolérance de la religion réformée et interdit donc le protestantisme sur le territoire français. Les persécutions induites par cette révocation conduisent en 1702 à l’éclatement d’une révolte, sous la forme de représailles alimentées par le phénomène du prophétisme.
Après l’action contre l’abbé du Chayla, les Sévennes voient se former une multitude de groupuscules appelés Troupes, dirigés généralement par un chef admis par tous, et dont les actions sont « inspirées » par un prophète, une prophétesse ou un prédicant, ou parfois même un enfant, bref autant de moyens d’expression de « l’Esprit ». Parfois même le chef et l’inspiré se confondent.
Le propos de cette exposition part d’un constat : il n’existe pas de représentation des principaux Chefs Camisards. L’histoire n’a bien retenu d’eux que le nom, les actions et le supplice subi, quand ce fut le cas. Leur description physique est très rare. Quand il existe un avis de recherche, celui-ci est souvent bref, lacunaire, et ne fournit que des éléments génériques : couleur des cheveux, couleur des yeux, présence d’une barbe (« le visage noir »), adjectif de physionomie. Mais pour la plupart d’entre eux, cette description est quasi inexistante. Seul les chefs de tout premier plan, Cavalier et Roland, ont fait l’objet de dessins, mais ces représentations sont à la fois ultérieures et relativement idéalisées. Pour les imaginer vraiment, il faut chercher au détour des textes les détails susceptibles de mieux les caractériser.
L’examen des sources historiographiques permet « d’extraire » des traits de personnalité à travers les situations relatées, les attitudes adoptées au combat,les anecdotes érigées en légendes, la foi exprimée.
Cet examen minutieux permet aussi de relever ici un habit porté, là une arme ou un accessoire particulier. Mais si l’on veut se faire d’eux une image mentale précise, le butin est maigre. Leur origine modeste détermine la qualité de leur apparence vestimentaire. Il n’y a aucun bourgeois parmi eux, ce sont de petits propriétaires paysans, cardeurs de laine, tisserands, éleveurs de cochons, travailleurs de terre. Ils sont donc regardés avec mépris par les élites catholiques et protestantes. Toutefois, le chef acquiert dès le début de la révolte une stature qui le fait se démarquer de sa troupe. Il est mieux habillé, et après les combats il récupère le meilleur des prises à l’ennemi : « pistolet à ciselure vénitienne », justaucorps galonné, tabatière, bague sertie, cravate de mousseline, « épée à poignée d’argent », cordons bleu, « veste de Rouen »…
Mais les sources sont si ténues, qu’elles tiennent généralement sur une page. Détail qui a son importance, ces sources contiennent des nuances. Lorsqu’elles ont pour origine des auteurs ou historiens catholiques, les portraits des camisards sont par essence peu élogieux. On cherche avant tout à caractériser la « laideur » du prophétisme cévenol, considéré comme une déviance religieuse, en décrivant les camisards comme des pauvres gens, d’une grande hideur physique, des gueux et des libertins. Cette cohorte de légendes a été portée notamment par David
Augustin de Brueys, théologien (1640-1723), dans son Histoire du fanatisme de nostre temps.
La présente exposition se propose en premier lieu de fournir une représentation des principaux chefs camisards tenant étroitement compte des sources disponibles, et rétablissant une vérité plausible sur leur aspect supposé. Elle se propose également de fournir un embryon de mise en scène, ceci afi n de distancier ces portraits de ceux que les maréchaux et aristocrates de l’époque se faisaient peindre dans une posture académique.
Aux prises de vues, presque toutes réalisées autour du Musée du Désert à Mialet, a succédé un travail numérique destiné à entretenir le clair-obscur de l’Histoire, formule symbolisant la marge d’incertitude générée par les couches d’interprétation ultérieures. Le parti-pris de ce clair-obscur est aussi de suggérer les sentiments et les émotions de ces Chefs Camisards : malgré leurs actes, ils auront vécu et défendu leur ferveur religieuse en toute bonne foi.
Certes, selon le mot de Kessel, tous n’étaient pas des anges. Ils étaient des hommes et des femmes littéralement habités par l’ancien testament et l’amour de Dieu, des personnes intrépides que les persécutions subies poussèrent à de violentes représailles. Ils sacrif èrent leur vie à une idée : la liberté de conscience.
Éric DÜRR, né en 1966 à Albertville, est un créateur basé à Mialet dans le Gard, où il exerce différentes activités artistiques : peinture, écriture, graphisme, design, invention de jeux… Ses créations laissent libre cours à un imaginaire alimenté par la philosophie, l’art contemporain et l’archéologie.